La doctrine des modernes.
Nous avons vu Jean de Ripa réprouver la théorie des anciens sans reproduire
un seul des arguments allégués par eux . Nous savons pourquoi : c'est qu'il les
juge débiles et, ce qui est plus grave peut- être, banals. Il va procéder de même à l'égard des modernes.
Nous savons aussi pourquoi : eux se sont contentés de sophismes puérils. Il se
contentera donc, lui , d'apporter quelques bonnes raisons pour rejetter leur
thèse. Tout ce qu'il consent à faire, avant d'engager, non le combat, mais sa
démonstration péremptoire, c'est de rappeler cette thèse, mais de la façon la
plus concise, en l'allégeant de son élément physique relatif à la raréfaction
et à la condensation . Elle devient donc simplement ceci : Une essence
numériquement identique peut croître en intensité sans variation essentielle. C'est
qu'il n'a pas du tout l'intention de faire un sort ici du moins à ces notions
de raréfaction et de condensation . Elles ne paraîtront nulle part dans son
argumentation. Nous ne saurions trop le regretter. Cependant, il ne nous est
peut - être pas tout à fait impossible de combler cette lacune. Non à l'aide de
Grégoire de Rimini, comme je l'ai espéré quelque temps, et comme en communique
l'espoir une note des Conclusiones . Le texte qu'elle cite contient bien une
allusion à la rarefactio et à la condensatio *, mais : 1 ° ces notions ne
jouent pas le rôle qu'elles jouent ici aux yeux de Jean de Ripa ; 2 ° rien ne
prouve que Grégoire engage sur ce point sa propre doctrine, et tout invite
plutôt à penser le contraire ; 3º ni lui ni l'éditeur ne citent un docteur qui
aurait soutenu cette théorie ou employé cette image. Mais Alphonsus Vargas
Toletanus se montre, sur ce point , plus généreux que son émule. Si nous
pouvons l'en croire -et le texte qu'il cite n'invite pas à douter — c'est à
Thomas de Strasbourg que doit penser ici Jean de Ripa, Thomas de Strasbourg,
qui publia son commentaire en 1337 et qui va mourir, général de l'Ordre, en
1357. C'est donc vraiment, pour Jean de Ripa, un modernus. Voici, d'après
Alphonsus Vargass, ce qu'aurait soutenu Thomas de Strasbourg dans son
Commentaire de la dist. 17. q. 2, art. 2, en critiquant la thèse de Thomas
d'Aquin et de Gilles de Rome : « Sed ad istam rationem in suo simili quidam
doctor noster nititur respondere dicens quod, quamvis illud argumentum aliquam
apparentiam habeat de aliis accidentibus magis et minus susceptibilibus via
naturali , de caritate tamen et gratia ceterisque virtutibus a Deo per
creationem infusis nihil concludit : quia omnem talem formam Deus potest secundum
magis et minus intimare subiecto, nulla previa requisita dispositione : ita
quod eadem essentia caritatis indivisibilis secundum gradus essentiales,
secundum quod magis a suo creatore intimatur subiecto et intimius radicatur in
eo, secundum hoc dat magis et nobilis esse subiecto et magis participatur a
subiecto. Sed quantum ad susceptionem magis et minus prout est in rebus natura libus
, respondet iste doctor sicut et doctor noster, secundo suo Quolibet, q . 14 ,
dicens quod intensio et remissio que est in secundis qualitatibus reducitur
ulterius in intensionem et remissionem , que est raritate et densitate. Hec
autem que est in raro et denso non reducitur ulterius in aliquam accidentalem
dispositionem , sed immediate reducitur in partes quantitativas materie , que
est ex sua natura : hoc habent quod possunt ab agente constringi : et sic
intenditur densitas ; et possunt ab eodem distendi et dilatari : et sic
intenditur raritas : et per hoc, ut dicit iste doctor, cessant multe
cavillationes que a modernis doctoribus inducuntur contra doctorem nostrum,
quia procedunt ex ignorantia illius solutionis.
L'INTENSITÉ DES FORMES D'APRÈS JEAN DE RIPA, par A. Combes in «ARCHIVES
D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DU MOYEN AGE » Année 1956 ( Tome
XXIII ).
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